Je lisais un vieux 'Chess Life' ramassé au CEM et je suis tombé sur une finale très intéressante dans un article de Pal Benko:
F. Lindsay
P. Benko
Trait aux noirs.
Évidemment, les noirs sont dans le trouble et doivent jouer 1...Rc6 pour éviter que le roi blanc s'infiltre, mais c'est sans compter sur les menaces que le cavalier peut créer de l'autre bord.
1...Rc6 2.Cg5 Rb6 2.Ch7 Rc6 (les noirs ne peuvent rien faire) 3.Cf6... et c'est cuit. Le cavalier est imprenable et sur 3...Fc8 4.Ce8 et le pion g7 tombe. Tout cela est plutôt simple, surtout de nos jours quand on peut simplement démarrer un engin et confirmer que chaque décision stratégique ou tactique ne comporte pas de 'trou'.
Mais là n'est pas la question. Dans son article, Benko mentionne que la position initiale, toujours avec le trait aux noirs, serait probablement nulle si le fou est en e8 plutôt qu'en d7. Voyons voir:
Trait aux noirs
Ici, après 1...Rc6, c'est évident que le plan avec 2.Cg5 ne fonctionne pas car les noirs peuvent maintenant prendre le cavalier et le fou protège les cases importantes. On s'entend, c'est plus facile pour les noirs avec le fou en e8.
Mais... c'est là que je me suis dit qu'il y a une autre idée dans cette position. Même la première idée qui me vient, que le fou soit en d7 ou en e8: pourquoi ne pas simplement jouer 2.Ch2 et 3.Cg4? Le fou est ainsi obligé de rester en e8 (à cause de la menace Cxh6) et le roi doit rester proche car Cf6 est une autre menace. Selon Benko, les blancs n'ont pas de moyens de forcer la position noire avec le fou en e8. Mais bon, pardonons lui ce jugement hâtif, l'article date de 1977. J'essaie quand même (à partir du 2e diagramme):
1...Rc6 2.Ch2 Rb6 (les noirs protègent c5 et gardent le fou sur sa meilleure case) 3.Cg4 Rc6 (le seul coup, les blancs menacent Cf6) 4.Re3
Et c'est là qu'on entre dans le bout où les ordinateurs (et les GMs en 1977) ont de la misère:
Trait aux noirs
On dirait que les noirs peuvent tenir. Juste à jouer Rd7 ou Rc7 pour garder les choses en équilibre et retourner en c6 dès que les blancs jouent Rd4. Bref, les noirs ne peuvent être en zugzwang dans cette position. J'étais plus où moins d'accord avec cette évaluation et, à l'aide d'un engin d'analyse, j'avais envie d'évaluer tout les possibilités, dont une qui piquait ma curiosité. Donc, à partir du 3e diagramme:
4...Rd7 5.Rd3 Rc7 (le seul coup, sur 5....Rc6 6.Rd4 et les noirs sont en zugzwang)
Trait aux blancs
6.Cf6! (le coup que je voulais essayer en lisant l'article. Sacrifice de cavalier alors que le roi est éloigné. Mais il reste quelques subtilités à régler)
6...gxf6 (pas le choix) 7.exf6 Rd7 (7...Rd6 ne change rien) 8.f7 Fxf7 9.gxf7 Re7 10.Rd4 Rxf7 (diagramme 5)
Trait aux blancs
Les blancs ont un pion de moins et on dirait que les noirs vont s'en sortir grâce aux pions centraux. L'intuitif 11.Re5?? ne fonctionne pas car les noirs ont 11...Re7. Mais pourquoi ne pas essayer 11.Rc5!
11.Rc5 Rf6 12.Rxb5 e5 13.Rc5!! Re6 14.b5 e4 15.Rd4 Rd6 16.c4! (La pointe! Les blancs disloquent les pions noirs et restent avec le pion passé éloigné en b5) Ça mérite un diagramme:
Trait aux noirs
Calculez comme vous voulez, les pions s'échangent, les noirs doivent aller prendre le pion b5 et les blancs vont repousser le roi noir pour gagner le pion a4. Par exemple:
16....dxc4 17.Rxc4 e3 18.Rd3 Rc5 19.Rxe3 Rxb5 20.Rd4 Et c'est fini pour les noirs.
Y'a fallu que je jongle pas mal avec mon engin (Houdini sur 4 processeurs et 4GB de hashtable), parce que la finale implique une tonne de coups forcés mais pas évidents pour une machine. Et les courses de pions, c'est jamais évident pour ces algorithmes. Mais on dirait bien que l'évaluation de Benko était fausse.
Ceci dit, loin de moi l'idée de prétendre que mon analyse est meilleure que celle du GM. C'est plutôt pour montrer à quel point un engin peut vous aider à produire de bonnes analyses, même si votre niveau de jeu est modeste.
F. Lindsay
P. Benko
Trait aux noirs.
Évidemment, les noirs sont dans le trouble et doivent jouer 1...Rc6 pour éviter que le roi blanc s'infiltre, mais c'est sans compter sur les menaces que le cavalier peut créer de l'autre bord.
1...Rc6 2.Cg5 Rb6 2.Ch7 Rc6 (les noirs ne peuvent rien faire) 3.Cf6... et c'est cuit. Le cavalier est imprenable et sur 3...Fc8 4.Ce8 et le pion g7 tombe. Tout cela est plutôt simple, surtout de nos jours quand on peut simplement démarrer un engin et confirmer que chaque décision stratégique ou tactique ne comporte pas de 'trou'.
Mais là n'est pas la question. Dans son article, Benko mentionne que la position initiale, toujours avec le trait aux noirs, serait probablement nulle si le fou est en e8 plutôt qu'en d7. Voyons voir:
Trait aux noirs
Ici, après 1...Rc6, c'est évident que le plan avec 2.Cg5 ne fonctionne pas car les noirs peuvent maintenant prendre le cavalier et le fou protège les cases importantes. On s'entend, c'est plus facile pour les noirs avec le fou en e8.
Mais... c'est là que je me suis dit qu'il y a une autre idée dans cette position. Même la première idée qui me vient, que le fou soit en d7 ou en e8: pourquoi ne pas simplement jouer 2.Ch2 et 3.Cg4? Le fou est ainsi obligé de rester en e8 (à cause de la menace Cxh6) et le roi doit rester proche car Cf6 est une autre menace. Selon Benko, les blancs n'ont pas de moyens de forcer la position noire avec le fou en e8. Mais bon, pardonons lui ce jugement hâtif, l'article date de 1977. J'essaie quand même (à partir du 2e diagramme):
1...Rc6 2.Ch2 Rb6 (les noirs protègent c5 et gardent le fou sur sa meilleure case) 3.Cg4 Rc6 (le seul coup, les blancs menacent Cf6) 4.Re3
Et c'est là qu'on entre dans le bout où les ordinateurs (et les GMs en 1977) ont de la misère:
Trait aux noirs
On dirait que les noirs peuvent tenir. Juste à jouer Rd7 ou Rc7 pour garder les choses en équilibre et retourner en c6 dès que les blancs jouent Rd4. Bref, les noirs ne peuvent être en zugzwang dans cette position. J'étais plus où moins d'accord avec cette évaluation et, à l'aide d'un engin d'analyse, j'avais envie d'évaluer tout les possibilités, dont une qui piquait ma curiosité. Donc, à partir du 3e diagramme:
4...Rd7 5.Rd3 Rc7 (le seul coup, sur 5....Rc6 6.Rd4 et les noirs sont en zugzwang)
Trait aux blancs
6.Cf6! (le coup que je voulais essayer en lisant l'article. Sacrifice de cavalier alors que le roi est éloigné. Mais il reste quelques subtilités à régler)
6...gxf6 (pas le choix) 7.exf6 Rd7 (7...Rd6 ne change rien) 8.f7 Fxf7 9.gxf7 Re7 10.Rd4 Rxf7 (diagramme 5)
Trait aux blancs
Les blancs ont un pion de moins et on dirait que les noirs vont s'en sortir grâce aux pions centraux. L'intuitif 11.Re5?? ne fonctionne pas car les noirs ont 11...Re7. Mais pourquoi ne pas essayer 11.Rc5!
11.Rc5 Rf6 12.Rxb5 e5 13.Rc5!! Re6 14.b5 e4 15.Rd4 Rd6 16.c4! (La pointe! Les blancs disloquent les pions noirs et restent avec le pion passé éloigné en b5) Ça mérite un diagramme:
Trait aux noirs
Calculez comme vous voulez, les pions s'échangent, les noirs doivent aller prendre le pion b5 et les blancs vont repousser le roi noir pour gagner le pion a4. Par exemple:
16....dxc4 17.Rxc4 e3 18.Rd3 Rc5 19.Rxe3 Rxb5 20.Rd4 Et c'est fini pour les noirs.
Y'a fallu que je jongle pas mal avec mon engin (Houdini sur 4 processeurs et 4GB de hashtable), parce que la finale implique une tonne de coups forcés mais pas évidents pour une machine. Et les courses de pions, c'est jamais évident pour ces algorithmes. Mais on dirait bien que l'évaluation de Benko était fausse.
Ceci dit, loin de moi l'idée de prétendre que mon analyse est meilleure que celle du GM. C'est plutôt pour montrer à quel point un engin peut vous aider à produire de bonnes analyses, même si votre niveau de jeu est modeste.
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