Sur l’entente FQE-CFC
Comme cette entente a été pleinement et expertement décortiquée par Jean Hébert dans le dernier numéro de Hébert parle échecs (vol. 14, # 5; vous pouvez aussi vous rendre sur Chesstalk : http://www.chesstalk.info/forum/showthread.php?t=6991; http://www.chesstalk.info/forum/showthread.php?t=6954; et http://www.chesstalk.info/forum/showthread.php?t=6993), je me contenterai de présenter le problème sous un angle plus général, cependant, une certaine recoupe demeure inévitable avec le propos de Monsieur Hébert.
Être membre CFC
Le principe de base d’un membership à la CFC est le suivant : chaque membre CFC doit recevoir les mêmes services et avantages que tous les autres membres, et ce, même s’il réside au Québec (je ne m’attarderai même pas sur la langue dans laquelle les services lui sont offerts, ou plutôt, pas offerts).
Dans cette optique, ou bien la CFC répond aux besoins de tous ses membres, et il n’y a pas lieu de transférer de l’argent de la FQE à la CFC, puisque les membres CFC sur le « territoire » québécois sont bien desservis par la fédération nationale; ou bien la CFC ne répond pas légitimement aux besoins des résidents du Québec, et dans ce cas, il serait malaisé pour la FQE de financer un organisme qui fait montre d’une telle discrimination, surtout en considérant qu’une bonne part de ses revenus provient d’une subvention provinciale.
La question de la FIDE
Dans le système actuel, pour faire coter un tournoi par la FIDE, il faut passer par la CFC. Pourvu que tous les joueurs soient membres CFC (ou qu’ils aient pris une carte tournoi), le tournoi pourra être coté à la CFC, puis seulement alors à la FIDE. Or, dans les deux cas, les frais de cotation sont de la responsabilité de l’organisateur; le fait de signer cette entente ne le soustrait pas de cette obligation financière.
Ainsi, cette entente ne multipliera ni les sections cotées CFC ni les tournois CFC en sol québécois (sauf peut-être dans la région de Gatineau-Hull) ce qui laissera la situation actuelle avec la FIDE inchangée.
Certes, avec cette entente, un joueur FQE pourrait recevoir une cote FIDE sans frais « directs », mais seulement parce que les autres membres FQE payeront pour lui, eux, qui pour la grande majorité, n’ont que faire de cette cote. Il n’y a pourtant rien de déraisonnable à ce qu’un joueur voulant une cote FIDE débourse de ses poches les frais nécessaires pour l’obtenir (comme on le ferait pour recevoir une cote américaine). Si la FQE veut acquitter les frais pour la cotation FIDE pour l’une ou l’autre de ses sections, libre à elle de le faire; mais ça sera un bénéfice toujours ponctuel, propice à la révision selon le cas, non une corde avec laquelle elle devra se pendre éventuellement.
La raison d’être de cette entente
Alors, puisque transférer de l’argent à la CFC via cette entente est soit non nécessaire, soit un non-sens, et que l’accès à la cote FIDE n’est pas plus grand, on peut se demander quel est le réel intérêt de la FQE pour parafer ce genre entente.
Ce qu’il faut comprendre c’est que pour avoir accès ou être invité aux événements CFC (surtout ceux dont la participation se détermine par la cote CFC), un joueur doit jouer dans des tournois cotés CFC. Ceci implique qu’un joueur québécois doit voyager pour ce faire puisqu’il n’a pas beaucoup de tournois CFC tenus au Québec; si ce joueur est jeune, c’est évidemment les parents qui devront étaler les billets. Il suffit donc de quelques parents « étaleurs » siégeant sur le CA ou près du CA pour voir naître le germe de ce genre d’entente.
Et pourtant, outre ces jeunes et certains joueurs de l’élite – ceux qui ne seraient pas « automatiquement » membres de la CFC –, la plupart des membres FQE n’ont ni le besoin ni le désir d’une cote FIDE, encore moins d’une cote CFC. Ainsi, affirmer que cette entente est pour le bien de l’ensemble des membres FQE m’apparaît pour le moins on ne peut plus discutable. Advenant le cas où le bénéfice d’une telle entente soit démontré – démonstration qui pour le moment demeure inadéquate –, ça m’apparaît tout de même chèrement payé pour le petit nombre de membres qui profiteront réellement d’une telle entente.
Le danger de l’entente
Or, admettons pour les besoins de l’argumentation qu’une grande majorité des membres FQE aient en réalité besoin d’une cote CFC; ne peut-on pas supposer qu’ils préféreront bientôt la carte CFC à celle de la FQE puisque c’est la cote de celle-là qui leur ouvre des portes?
Pareillement, en présupposant que de nombreux membres FQE veulent avoir une cote FIDE; ne peut-on pas encore envisager une préférence pour un membership CFC étant donné qu’il est plus aisé d’obtenir une cote FIDE en étant membre de cette fédération plutôt que de la FQE?
Concrètement, la volonté et le besoin de ces deux types de joueurs cachent le fait qu’il serait dans leur intérêt que la FQE disparaisse assez rapidement afin de laisser place à des tournois qui pourront être cotés CFC (et FIDE au besoin), mais non plus FQE.
Ainsi, à très moyen terme, il en va de la survie même de la FQE; un organisme dont la principale fonction est de gérer une cote qui n’a plus de valeur n’aura plus sa raison d’être. À ce moment, il est tout à fait envisageable que la subvention lui soit coupée jetant à la rue ses membres, forcés dorénavant de joindre une fédération où ils seront bien mal servis.
L’érosion de la FQE
La FQE peut toujours décider de payer ponctuellement les frais de cotation à la FIDE ou d’aider financièrement « ses » membres qui auront été choisis par la CFC. Par contre, l’entente qu’elle entend signer avec la CFC la force à débourser de l’argent même si aucun tournoi n’est coté à la FIDE ou qu’un membre FQE ait été « choisi ». Dans le premier cas, elle demeure maîtresse de son destin et affirme son indépendance et sa compétence; dans le deuxième, elle devient esclave d’un organisme auquel elle se sera elle-même subordonnée, et perd du coup légitimité et force.
Je ne suis pas certain que les dirigeants soient conscients de l’asservissement qui naîtra d’une telle entente; mais il semble évident qu’ils pensent – à tort – que transférer environ 24 000 $ pour les trois prochaines années va ouvrir grande la porte vers l’international pour les membres FQE. Et pourtant, d’accord ou non, la voie vers la scène internationale s’emprunte par la CFC, ce qui implique que pour y œuvrer, il faut devenir un « vrai » membre de la CFC, non une simple statistique, une sorte de fantôme dont l’existence ne tient qu’à une « poignée » de dollars.
Conclusion
Une entente qui va lier les mains de la FQE pour au moins trois ans, la subordonner à une autre fédération, et vider ses coffres d’un bon montant est trop importante pour qu’elle se signe sans le consentement des membres. Pour obtenir l’assentiment de la majorité, l’assemblée générale qui s’en vient me semble tout indiquée. Reste à voir si les dirigeants FQE veulent réellement servir les intérêts de tous les membres, ou simplement répondre à la demande d’un petit nombre…
Stéphane Beaudoin
Ancien président FQE
Comme cette entente a été pleinement et expertement décortiquée par Jean Hébert dans le dernier numéro de Hébert parle échecs (vol. 14, # 5; vous pouvez aussi vous rendre sur Chesstalk : http://www.chesstalk.info/forum/showthread.php?t=6991; http://www.chesstalk.info/forum/showthread.php?t=6954; et http://www.chesstalk.info/forum/showthread.php?t=6993), je me contenterai de présenter le problème sous un angle plus général, cependant, une certaine recoupe demeure inévitable avec le propos de Monsieur Hébert.
Être membre CFC
Le principe de base d’un membership à la CFC est le suivant : chaque membre CFC doit recevoir les mêmes services et avantages que tous les autres membres, et ce, même s’il réside au Québec (je ne m’attarderai même pas sur la langue dans laquelle les services lui sont offerts, ou plutôt, pas offerts).
Dans cette optique, ou bien la CFC répond aux besoins de tous ses membres, et il n’y a pas lieu de transférer de l’argent de la FQE à la CFC, puisque les membres CFC sur le « territoire » québécois sont bien desservis par la fédération nationale; ou bien la CFC ne répond pas légitimement aux besoins des résidents du Québec, et dans ce cas, il serait malaisé pour la FQE de financer un organisme qui fait montre d’une telle discrimination, surtout en considérant qu’une bonne part de ses revenus provient d’une subvention provinciale.
La question de la FIDE
Dans le système actuel, pour faire coter un tournoi par la FIDE, il faut passer par la CFC. Pourvu que tous les joueurs soient membres CFC (ou qu’ils aient pris une carte tournoi), le tournoi pourra être coté à la CFC, puis seulement alors à la FIDE. Or, dans les deux cas, les frais de cotation sont de la responsabilité de l’organisateur; le fait de signer cette entente ne le soustrait pas de cette obligation financière.
Ainsi, cette entente ne multipliera ni les sections cotées CFC ni les tournois CFC en sol québécois (sauf peut-être dans la région de Gatineau-Hull) ce qui laissera la situation actuelle avec la FIDE inchangée.
Certes, avec cette entente, un joueur FQE pourrait recevoir une cote FIDE sans frais « directs », mais seulement parce que les autres membres FQE payeront pour lui, eux, qui pour la grande majorité, n’ont que faire de cette cote. Il n’y a pourtant rien de déraisonnable à ce qu’un joueur voulant une cote FIDE débourse de ses poches les frais nécessaires pour l’obtenir (comme on le ferait pour recevoir une cote américaine). Si la FQE veut acquitter les frais pour la cotation FIDE pour l’une ou l’autre de ses sections, libre à elle de le faire; mais ça sera un bénéfice toujours ponctuel, propice à la révision selon le cas, non une corde avec laquelle elle devra se pendre éventuellement.
La raison d’être de cette entente
Alors, puisque transférer de l’argent à la CFC via cette entente est soit non nécessaire, soit un non-sens, et que l’accès à la cote FIDE n’est pas plus grand, on peut se demander quel est le réel intérêt de la FQE pour parafer ce genre entente.
Ce qu’il faut comprendre c’est que pour avoir accès ou être invité aux événements CFC (surtout ceux dont la participation se détermine par la cote CFC), un joueur doit jouer dans des tournois cotés CFC. Ceci implique qu’un joueur québécois doit voyager pour ce faire puisqu’il n’a pas beaucoup de tournois CFC tenus au Québec; si ce joueur est jeune, c’est évidemment les parents qui devront étaler les billets. Il suffit donc de quelques parents « étaleurs » siégeant sur le CA ou près du CA pour voir naître le germe de ce genre d’entente.
Et pourtant, outre ces jeunes et certains joueurs de l’élite – ceux qui ne seraient pas « automatiquement » membres de la CFC –, la plupart des membres FQE n’ont ni le besoin ni le désir d’une cote FIDE, encore moins d’une cote CFC. Ainsi, affirmer que cette entente est pour le bien de l’ensemble des membres FQE m’apparaît pour le moins on ne peut plus discutable. Advenant le cas où le bénéfice d’une telle entente soit démontré – démonstration qui pour le moment demeure inadéquate –, ça m’apparaît tout de même chèrement payé pour le petit nombre de membres qui profiteront réellement d’une telle entente.
Le danger de l’entente
Or, admettons pour les besoins de l’argumentation qu’une grande majorité des membres FQE aient en réalité besoin d’une cote CFC; ne peut-on pas supposer qu’ils préféreront bientôt la carte CFC à celle de la FQE puisque c’est la cote de celle-là qui leur ouvre des portes?
Pareillement, en présupposant que de nombreux membres FQE veulent avoir une cote FIDE; ne peut-on pas encore envisager une préférence pour un membership CFC étant donné qu’il est plus aisé d’obtenir une cote FIDE en étant membre de cette fédération plutôt que de la FQE?
Concrètement, la volonté et le besoin de ces deux types de joueurs cachent le fait qu’il serait dans leur intérêt que la FQE disparaisse assez rapidement afin de laisser place à des tournois qui pourront être cotés CFC (et FIDE au besoin), mais non plus FQE.
Ainsi, à très moyen terme, il en va de la survie même de la FQE; un organisme dont la principale fonction est de gérer une cote qui n’a plus de valeur n’aura plus sa raison d’être. À ce moment, il est tout à fait envisageable que la subvention lui soit coupée jetant à la rue ses membres, forcés dorénavant de joindre une fédération où ils seront bien mal servis.
L’érosion de la FQE
La FQE peut toujours décider de payer ponctuellement les frais de cotation à la FIDE ou d’aider financièrement « ses » membres qui auront été choisis par la CFC. Par contre, l’entente qu’elle entend signer avec la CFC la force à débourser de l’argent même si aucun tournoi n’est coté à la FIDE ou qu’un membre FQE ait été « choisi ». Dans le premier cas, elle demeure maîtresse de son destin et affirme son indépendance et sa compétence; dans le deuxième, elle devient esclave d’un organisme auquel elle se sera elle-même subordonnée, et perd du coup légitimité et force.
Je ne suis pas certain que les dirigeants soient conscients de l’asservissement qui naîtra d’une telle entente; mais il semble évident qu’ils pensent – à tort – que transférer environ 24 000 $ pour les trois prochaines années va ouvrir grande la porte vers l’international pour les membres FQE. Et pourtant, d’accord ou non, la voie vers la scène internationale s’emprunte par la CFC, ce qui implique que pour y œuvrer, il faut devenir un « vrai » membre de la CFC, non une simple statistique, une sorte de fantôme dont l’existence ne tient qu’à une « poignée » de dollars.
Conclusion
Une entente qui va lier les mains de la FQE pour au moins trois ans, la subordonner à une autre fédération, et vider ses coffres d’un bon montant est trop importante pour qu’elle se signe sans le consentement des membres. Pour obtenir l’assentiment de la majorité, l’assemblée générale qui s’en vient me semble tout indiquée. Reste à voir si les dirigeants FQE veulent réellement servir les intérêts de tous les membres, ou simplement répondre à la demande d’un petit nombre…
Stéphane Beaudoin
Ancien président FQE
Comment